PIERRE-MARC DE BIASI – GALERIE UNIVER

5.2K vues

14/01/2016 - 12/03/2016

A Propos de

ESTHÉTIQUE DE L’INACTUEL

J’avais intitulé une précédente exposition « Anachroniques ». Je persiste dans mon éloge de l’inactuel en intitulant celle-ci « Archives de pierre ». Plus nous avançons dans la voie des dématérialisations numériques et plus la matérialité des traces me paraît belle et désirable. Plus l’actualité nous presse d’être à son écoute, à ses ordres, et plus il me semble urgent de marquer cette évidence : « Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé » que pour s’arracher à ce monde, que pour apporter un démenti cinglant au diktat de l’actuel. Artaud disait plus brutalement : « que pour sortir en fait de l’enfer ». Assurément, l’artiste exprime ses obsessions personnelles, ses désirs, ses doutes et ses terreurs, c’est-à-dire les rêves et les réalités de son temps. Que pourrait-il faire d’autre ? Mais si son œuvre parle du présent, c’est à travers un médium et par la médiation d’un décalage qui le mettent à distance de son époque et de lui-même : il en parle de loin, souvent par antiphrase, à rebours, en remontant le cours du temps, en sondant les origines de la représentation, ou encore, par anticipation, en prenant une tangente temporelle, pour tenter d’entrevoir à la lumière de quels soleils psychiques sera éclairé notre futur. Ces deux anachronismes n’en font qu’un. A la différence de la technique et de la science, oublieuses de leur passé, qui courent derrière l’irréversible fuite en avant du progrès, l’art ne s’invente qu’en se ressourçant à ce qu’il a été. Il a bien une histoire, mais son histoire n’est pas celle d’un progrès ; il connaît des révolutions mais il ne connaît pas le révolu. L’art n’est pas cyclique : s’il revient sur soi, c’est pour se redéployer ailleurs et autrement, en élargissant son périmètre de gravitation ou en le resserrant. Il aurait plutôt la forme d’une spirale. L’art recycle et se recycle : c’est son secret. L’artiste ne fait même que cela : piller ses prédécesseurs, juxtaposer les époques, acclimater le lointain, exhumer des objets, fixer des mirages, inventer des formes en les faisant ressurgir de l’oubli, métisser les cultures, renverser l’accompli en projet, l’inaccompli en mémoire… Talisman 10, béton et encres sur papier industriel, 64 x 49,5 cm Talisman 12, béton et encres sur papier industriel, 64 x 49,5 cm Certains fonctionnaires de la culture disent : « Aujourd’hui, on ne peut plus faire de la peinture comme il y a cent ans, ni même dix ans ». C’est simplement idiot. On peut, on doit. Et même, comme il y a cinq cents, deux mille, ou dix mille ans. Le peintre de Lascaux est le grand maître du quotidien. Il a tout à nous apprendre sur notre avenir, comme le tailleur de pierre de Palmyre, comme Uccello, Bronzino, Cranach, Poussin, Ingres, Klee, Twombly, Tapiès, Mario Metz ou comme n’importe quel chaman d’Amazonie, n’importe quel féticheur du Congo, du Gabon ou du Bénin. Etre de son temps n’est pas l’affaire des arts plastiques. De nos jours, moins que jamais. Comment s’appelle la fabrique des images qui collent le plus exactement au présent, sans médiation, pour vous le faire accepter, désirer, idolâtrer… et au final pour vous le vendre ? Cela s’appelle la Pub, la Com, l’Info, le Buzz, etc. Ce n’est pas méprisable, ni honteux ; cela tient du marketing et du flux tendu, mais ce n’est pas de l’art. C’est autre chose, quoi qu’aient pu nous en dire le malicieux et cupide Andy Warhol, ou ce génial et fatal imposteur de Marcel Duchamp. Il se pourrait bien que l’art (avec peut-être l’amour, Eros ? tout art est érotique, disait Picasso) soit devenu la seule et ultime formule magique pour s’extraire du flux tendu, du cycle court : pour ne plus être de son temps. Soyons donc résolument anachroniques, à contretemps, archaïques, intempestifs, tout sauf contemporains… en révoquant en doute les préjugés et les clichés de notre temps, à commencer par le plus affligeant de tous : précisément le genre officiel dit art contemporain et son obsession létale d’en finir avec toute forme d’œuvre durable. La peinture est une cosa mentale ? Soit. La pierre et les archives aussi. Quoi de plus conceptuel que l’idée même de matérialité, ou que l’artefact de sa représentation ? Quoi de plus matériel que la substance du signe et de son inscription, l’un et l’autre à la fois si proches et si éloignés de la figure comme de l’abstraction?

Pierre-Marc De Biasi, 2015

UNIVER
6 cité de l’ameublement
75011 Paris
01 43 67 00 67

Ouvert du mercredi au samedi de 12h à 19 h

métro Faidherbe-Chaligny, angle 31, rue de Montreuil

Remerciements à Andy Emler, auteur-compositeur, pour la musique

Toutes les infos artistiques sur Newsarttoday.tv

Les éditions Patou sont partenaires de NewsArtToday.tv

FLASH INFOS

Troisième Biennale des Photographes du Monde Arabe Contemporain jusqu'au 24 novembre

-

la galerie saphir expose Michel Kirch, photographe jusqu'au 30 novembre 2019

-
Avant-Première

Avant-Première

Inscrivez-vous pour recevoir nos meilleurs reportages en avant-première.

Inscription réussie !