BROOK ANDREW – Galerie Nathalie Obadia

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07/11/2013 - 31/12/2013

A Propos de

« La Galerie Nathalie Obadia est très heureuse de présenter Anatomie de la mémoire du corps : au-delà de la Tasmanie, à l’occasion de sa première collaboration avec l’artiste australien Brook Andrew. Pour sa première exposition dans une galerie européenne, Brook Andrew propose ici une sculpture comme un corps dynamique entouré de cinquante-deux portraits d’inconnus issus d’une société dont la différence en a fait des fétiches exotiques.

Brook Andrew a grandi en Australie, et l’arrière-plan culturel que lui ont transmis ses parents – d’origines celtes et aborigènes –  l’a progressivement amené à exhumer l’héritage souvent invisible des sociétés coloniales. Les collections et les musées internationaux qu’il a visités (comme l’Institut Royal d’Anthropologie de Londres) lui ont fourni toute une matière qui inspire ses oeuvres – comme Gun-Metal Grey par exemple, une série qui lui a valu un succès certain. Ses collections personnelles de livres rares et de cartes postales témoignent largement de son intérêt pour les archives et la recherche, goût particulièrement visible dans 52 Portraits et Anatomie de la mémoire du corps : au-delà de la Tasmanie.

Le concept de l’exposition est inspiré d’un livre rare de 1909 (1), écrit par l’anatomiste australien Richard Berry. Il y étudiait 52 crânes d’aborigènes tasmaniens issus de collections publiques et privées, véritables trophées symboliques d’une  soi-disante «race en voie d’extinction». Considérant les dessins de Richard Berry et les théories raciales de l’époque, l’artiste a peint cinquante deux tableaux aussi beaux qu’énigmatiques. Dans un style religieux, il les représente comme auraient été portaiturés des « saints » originaires de différents endroits du monde, qui seraient finalement devenus des sujets exotiques. Ces portraits brillants d’un éclat argenté  rappellent intensément à notre souvenir l’existence de ces personnes, jusqu’alors seulement  archivée par ces cartes postales du XIX siècle pour touristes, aujourd’hui largement collectionnées comme documents historiques. L’artiste réinsère activement dans l’histoire contemporaine ces personnes qui furent souvent désirées et scrutées sans noms, ni égalité aucune.
L’œuvre d’Andrew véhicule des récits complexes, au sujet desquels le professeur Ian Anderson (2) a écrit  : « sa vision est globale […] Je perçois aussi les résonances d’un processus culturel mondial qui a réordonné une grande partie de l’humanité selon les schémas du colonialisme  (3) ». Selon l’artiste, les effets de ces pratiques passées tourmentent encore aujourd’hui le peuple indigène, et cet héritage historique résonne encore dans la perception et l’opinion que les sociétés dominantes ont sur ces «sociétés primitives».

Inévitablement, ces peuples continuent bien souvent à être perçus comme les « vestiges » d’une civilisation ancienne, primitive et non civilisée, indigne de respect, de jugement égalitaire. Dans le cadre de cette perception, ces personnes sont considérées comme des « victimes » desquelles on attendrait des manifestations d’authenticité fidèles à l’époque où elles auraient été pour la première fois « découvertes » par les explorateurs et conquérants du XIX° siècle.
Le défi de Brook Andrew est donc d’élever ces personnes d’un effacement silencieux pour qu’elles accèdent à un stade de « sainteté ». Ces sujets seraient alors libérés d’un certain regard archaïque européen qui ne verrait en eux  que des « primitifs » afin de révéler leur intelligence, leur religion, leur science ou la complexité de leurs structures sociales. Brook Andrew lui-même, considéré parfois comme n’étant « pas assez Aborigène » pour le filtre anthropologique le plus « authentique », pose la question de l’héritage culturel des personnes métissées, après que les corps et les objets ancestraux aient été acquis ou volés pour les Européens et autres collections et expérimentations.

Anatomie de la mémoire du corps : au-delà de la Tasmanie est un cabinet de curiosités. Des livres rares, divers documents, des films, des diapositives, un squelette humain utilisé à des fins médicales : la vitrine n’entrepose pas simplement informations et objets, elle constitue un espace où le savoir et la présence contenus dans chaque objet peuvent interagir et former la trame d’un récit qui renvoie à des événements historiques contradictoires, en général dissimulés. Quelques traces de la colonisation  y sont fermement positionnées dans un espace artistique, scientifique et imaginatif. Anthropomorphique dans sa forme et animiste dans l’esprit, le corps de la sculpture juxtapose les objets pour créer un drame intense dans une sorte de cercueil. L’immense gramophone amplifie la respiration du crâne –  ou cette voix d’outre-tombe qu’il exhale. Le drame mêle passé et présent pour contaminer notre mémoire. Le corps en verre de l’animal possède une sorte de queue – peut-être un anus pour excréter l’âme des objets qu’il contient. Le gramophone est une bouche, la vitrine un corps et un cercueil, la queue un excrément ; tout désigne la machine coloniale : consommation, collection, documentation et reliques d’exotiques ou soi-disantes cultures primitives.
Ce cabinet de curiosité est animal et machine : il est témoin de ces saints argentés qui observent les histoires des collections de musées acquises dans par des territoires éloignés.

Les anonymes sanctifiés qui entourent la pièce « nous conduisent à un autre croisement, où politique et esthétique s’entrechoquent et s’annihilent », écrit Nikos Papastergiadis 4 dans son essai Counterpoints and Harmonics. Papastergiadis reprend l’interrogation sur cette obsession qu’ont eu les cultures occidentales dominantes et sur ses implications actuelles: «l’extension absurde de la science et la fabrication croissante de mythes […] menées par certains des plus éminents anthropologues et biologistes ont forgé l’opinion publique […] Les scientifiques modernes qui ont étudié les corps des Aborigènes n’étaient pas seulement inspirés par l’obsession classique pour le visage – écho de la fascination théologique pour le visage du Christ ; ils y ont aussi superposé toute la carapace de la science empirique pour démontrer la véracité de ces croyances ». Inéluctablement, Brook Andrew s’attache à  redéfinir ces visages anonymes pour qu’ils ne soient plus objets d’études mais immortalisés comme les saints ou les portraits classiques qui attirent notre attention, en même temps qu’il conteste fermement la chronologie visuelle de notre humanité.

Face à des messages aussi forts, Brook Andrew a estimé qu’il fallait un requiem pour célébrer ces vies inconnues et commémorer l’héritage de telles pratiques scientifiques. Il en a confié l’écriture à un compositeur anglo-rwandais : Stéphanie Kabanyana Kanyandekwe. La composition finale, Illusions on Self Motion « est un requiem à la beauté envoûtante qui rend hommage aux esprits des morts, tout en leur donnant une voix qui transcende le temps et l’espace. (5) » »

Communiqué de Presse

Entretiens avec Elisabeth PETIBON

18 rue du Bourg-Tibourg
75004 – Paris – France

Téléphone :  +33 (0)1 53 01 99 76

Du lundi au Samedi de 11h à 19h

http://www.galerie-obadia.com

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